Pour Antonio Lovato et Paola Dessì.

Pour citer cette page :
Xavier Bisaro, “Par-delà les monts : les traités de “canto fermo””, Cantus Scholarum, <https://www.cantus-scholarum.univ-tours.fr/publications/essais-et-notes-de-travail/canto-fermo/> [publié le 16 novembre 2016], consulté le 21 décembre 2024.

Le projet Cantus Scholarum a conduit à l’étude détaillée des méthodes de plain-chant publiées en France sous l’Ancien Régime. Or, ce corpus est loin d’être isolé dans l’Europe moderne : les artes de canto espagnols forment un ensemble encore plus conséquent1Ascensión Mazuela-Anguita, Artes de canto en el mundo ibérico renacentista, Madrid, Sociedad Española de Musicología, 2014., de même que les traités de canto fermo imprimés dans la péninsule italienne2Cette étude a été réalisée dans le cadre d’un séjour d’un mois auprès du Dipartimento dei Beni Culturali de l’Università degli Studi di Padova. Sur une thématique proposée par le Prof. Antonio Lovato, ce travail n’a pu être mené à bien que grâce à l’accueil chaleureux qu’il m’a réservé au sein de son département.. Bien que constituant une partie de la production générale en matière de théorie musicale, ces derniers ont été relativement peu étudiés : l’intérêt des musicologues s’est surtout porté jusqu’à présent sur les grands traités humanistes de la Renaissance3Cristle Collins Judd, Reading Renaissance music theory: Hearing with the eyes, New York, Cambridge University Press, 2000. ou, pour les XVIIe et XVIIIe siècles, sur les ouvrages voués à l’enseignement du contrepoint4Alessandro Abbate, “Due autori per un testo di contrappunto di scuola napoletana: Leonardo Leo e Michele Gabellone”, Studi musicali, XXXVI/1 (2007), p. 123-159 ; Gaetano Stella, “Le Regole del contrappunto pratico di Nicola Sala: Una testimonianza sulla didattica della fuga nel Settecento napoletano”, Rivista di analisi e teoria musicale, XV/1 (2009), p. 121-143. ou du chant5Daniela Bloem-Hubatka, The old Italian school of singing: a theoretical and practical guide, Jefferson, McFarland, 2012.. Ce n’est qu’en approchant les sommes érudites du Padre Martini6Elisabetta Pasquini, “L’esemplare, o sia saggio fondamentale pratico di contrappunto”: Padre Martini teorico e didatta della musica, Firenze, Leo S. Olschki, 2004. que les commentateurs ont effleuré le vaste domaine de la théorie et de l’enseignement du plain-chant dans l’Italie moderne.

Approche statistique

Un premier examen statistique permet de réaliser l’importance du corpus des traités de canto fermo, appellation équivalente à celle de “plain-chant”7Le corpus de ces méthodes est intégralement inventorié sur le site Trattati italiani di canto fermo.. Leur chronologie éditoriale se découpe en trois principales phases (figure 1). Bien que les premiers traités spécifiquement dédiés au plain-chant apparaissent dès le développement de l’imprimerie musicale, ils demeurent peu nombreux durant le XVIe siècle. Leur fréquence de publication augmente subitement au commencement du siècle suivant, au cours duquel une quarantaine d’ouvrages, presque tous originaux, furent édités. L’activité éditoriale au XVIIIe siècle est encore plus élevée mais change de nature. Durant cette dernière phase, le nombre élevé d’éditions dépend surtout de rééditions de traités de la fin du siècle précédent.

Même si des rééditions s’observent déjà à la Renaissance8L’Introdutione facilissima e novissima de Lusitano fut éditée trois fois entre 1553 et 1561., c’est seulement à compter du XVIIIe siècle que des méthodes atteignirent le statut de “classiques” du plain-chant au fur et à mesure de leurs publications successives (figure 2). La période de disponibilité éditoriale des traités ayant bénéficié d’éditions multiples est, pour la plupart d’entre eux, de quelques décennies. En revanche, les méthodes de Matteo Coferati (1682) et d’Angelo Michele Bertalotti (1698) furent imprimées et, incontestablement, en usage durant presque un siècle et demi. Ces succès durables ont contribué à une certaine continuité des supports de l’enseignement du plain-chant en Italie au-delà des premières années du XIXe siècle.

La répartition des lieux de production de ces livres est caractérisée par une progressive diversification. Les premiers traités sont produits dans la zone originelle d’implantation de l’imprimerie musicale (Venise, Brescia, Milan). D’autres pôles éditoriaux émergèrent durant la première moitié du XVIIe siècle (Bologne, Parme, Florence, Naples) ; cette évolution fut confirmée dans les décennies suivantes avec de nouveaux traités imprimés à Padoue, Lucques et, plus particulièrement, Modène. Ce phénomène fut encore plus marqué au siècle suivant avec des livres en provenance de Cremone, Urbino, Bergame, Frascati, Pinerolo, Sienne et Palerme. Cette ultime stade anticipait l’apparition de nouveaux lieux de publication de traités de plain-chant au XIXe siècle : Vicenza, Montefiascone, Cagliari, Loreto, Seregno…

Les auteurs

Hormis une poignée d’individus (G. F. Cavalliere, le musicien G. L. Gregori et l’érudit D. M. Manni), les auteurs du corpus dont l’identité est définissable sont tous des clercs. Leur appartenance religieuse fait apparaître une nette évolution entre le XVIIe et le XVIIIe siècle (figure 3). Les deux catégories les plus représentées sont celle des Franciscains (toutes branches confondues) et celle des prêtres diocésains. Les premiers dominent la production du XVIIe siècle : en plus de sa propre réforme consécutive au Concile de Trente, cette famille religieuse fut chargée en Italie de la conduite de nombreuses paroisses, ce qui pourrait justifier leur intérêt pour l’enseignement du chant. Par la suite, l’équilibre se renverse au profit des prêtres séculiers ; cette nouvelle dynamique pourrait être corrélée à la création et au renforcement des séminaires diocésains durant le XVIIIe siècle.

Cependant, le rattachement à un ordre religieux ou à un diocèse ne définit pas entièrement l’identité d’un auteur. En plus de leur condition, il est nécessaire de prendre en compte leur “profession”, c’est-à-dire les fonctions – religieuses ou non – qui les situaient comme individus dans leur environnement immédiat (une compagnie religieuse par exemple) comme dans la société. En fonction de ce point de vue, divers profils apparaissent. D’une part, plusieurs auteurs étaient astreints à une pratique quotidienne du plain-chant. Ceux qui déclarent leur qualité de franciscain disposaient à ce titre d’un savoir au moins empirique du chant, probablement nourri par la formation reçue au commencement de leur vie religieuse. Hormis les franciscains figurent de rares représentants d’autres ordres (Zapata, moine de Monte Cassino) ainsi que des prêtres séculiers ayant occupé, dans des églises capitulaires où se chantait l’office, soit des fonctions de premier plan (Fedeli, Guisbarchi et Belli étaient chanoines) soit secondaires (Brugnoli, “mansionario” de S. Petronio de Bologna ; Cizzardi, “residente” à la collégiale de S. Vitale de Parma ; Della Gatta “eddomadario” de la cathédrale de Naples ; Lo Piccolo “beneficiat[o]” à celle de Palerme). Certains d’entre eux exerçaient même des responsabilités particulières dans la conduite du chant, à l’instar de Marco Dionigi, “Guardacoro della Catedrale di Parma” ou de Rossino, “moderatore del coro” de S. Pietro Montorio.

D’autres auteurs furent en charge de l’instruction des novices de leur couvent ou des jeunes clercs de leur diocèse. Cantone se présente comme “maestro de’ novizi” du couvent de S. Francesco à Turin, alors que Perego à Milan et Porta Ferrari à Ferrara enseignaient le plain-chant aux séminaristes locaux. Dans cette catégorie, on remarque encore la présence d’un prêtre de Pérouse, Francesco Vittarini, affichant sa qualité de “maestro pubblico” de plain-chant.

Le dernier profil d’auteur est celui des musiciens à proprement parler. Plusieurs mettent en exergue de leurs ouvrages le titre de “maestro di musica” (Caposele, Pellatis, Scorpione) pendant que d’autres furent plus modestement de simples musiciens d’église (Bismantova, Coferati, Foglietti).

Pour la majorité des auteurs, la publication d’un traité de chant ecclésiastique fut la seule manifestation du ressort de l’édition liturgique. Néanmoins, le corpus des traités de canto fermo laisse apparaître une ébauche de spécialisation chez un plain-chantiste comme Francesco Maria Vallara. Après ses Primizie di canto fermo en 1700 (volume dont le titre signale l’ambition limitée), Vallara resta lié à l’atelier des imprimées Capponi, à Modène, pour sa Scuola corale (1707). Il se tourna ensuite vers l’imprimeur Giuseppe Rosati pour son Teorico-prattico del canto gregoriano (1721) ainsi que pour une réédition de ses Primizie (1724). De la sorte, Vallara établit une gamma complète de méthodes, transférant progressivement leur production de Modèle à Parme, cité où résidaient ses protecteurs tandis que lui-même vivait à Mantoue.

Une rhétorique du titre

Les titres des traités de canto fermo reposent sur un lexique dont la récurrence dénotent des lignes de force. Dès le XVIe siècle, les pages de frontispice promettent une “révélation” des secrets de la science du chant. Dans cette perspective, le franciscain Illuminato Aiguino choisit un titre métaphorique, La Illuminata… qui, tout en renvoyant à son prénom, signifiait le passage de l’ignorance au savoir par le truchement de la lecture de son traité. Cette objectif est également suggéré en tête de la méthode de Marzio Erculeo (Lumi primi del canto fermo, 1686) et, plus discrètement, par celles dont les titres insistent sur la “clarté” de leur démarche : Specchio… nel quale si vede chiaro… (1630), Scola di canto fermo in cui s’insegnano facilissime, e chiare regole (1715), Grammatica melodiale… con metodo chiaro (1793).

L’autre notion évoquée avec insistance dans les titres est celle de la brièveté. Quelle que soit la longueur réelle de leurs développements, de nombreuses méthodes s’affichent comme “brèves”, à moins que les règles qu’elles exposent ne soit réduites aux “plus nécessaires”. La recherche de concision peut encore concerner le style de rédaction, comme dans les Regole del canto fermo… registrate con brevità (1788) d’Onorato Rosa da Cairano. De cette assurance de brièveté dépend un autre thème fréquemment repris dans les titres : la facilité.

À une époque ou l’enseignement du plain-chant était réputé ardu sinon rebutant même pour les clercs, une grande partie des traités italiens promettent, comme leur équivalents français, la facilité obtenue grâce à une méthode rationnelle. Les deux principaux thèmes mobilisés dans les titres de traités (clarté, brièveté) furent parfaitement associés par Liborio Mauro Cizzardi (figure 4). Non sans humour, le frontispice de son traité stimule la curiosité du lecteur avec un titre presque mystérieux : Il tutto in poco, overo il segreto scoperto (1615). Il faut ouvrir le volume et commencer à lire son texte pour comprendre de quoi il ressort exactement !

La tradition guidonienne

La distance est parfois grande des paroles aux actes… En dépit de leurs titres, les traités italiens de plain-chant sont souvent plus longs et plus élaborés que ceux imprimés en France durant la même période, et ce notamment parce qu’ils reprennent à leur compte la tradition théorique de la main guidonienne (figure 5). Même les traités destinés à un usage scolaire comme le Scolare addotrinato (une adaptation au XVIIIe siècle du Cantore addotrinato de Coferati) recourent à la main de Guido. Et lorsque celle-ci n’est pas reproduite, un chapitre est destiné à la décrire (Pagani [1604] ; Santoro [1715] ; Vallara [1724]) ou bien elle se trouve représentée de manière abstraite, comme dans les Regole de Rosa da Caraino (1788). Au final, rares sont les auteurs (Porta Ferrari [1732] ; Lo Piccolo [1739]) qui, tout en convoquant le souvenir de Guido d’Arezzo, ne font pas de sa main théorique un passage obligé pour accéder à la science pratique du chant.

Quelle que soit la solution adoptée, la main guidonienne est fréquemment placée au commencement du livre, conformément à son utilité lors de l’acquisition des premiers éléments du chant. De ce postulat théorique dérive ensuite l’initiation à la solmisation, c’est-à-dire la nomination des notes du plain-chant à l’aide de six syllabes (ut, re…, la) et la transposition de celles-ci selon le système des trois hexacordes. Cette partie de l’enseignement du plain-chant entraîne, dans les traités italiens, de longs développements destinés à l’apprentissage d’automatismes solfégiques et à leur adaptation selon des contextes mélodiques particuliers.

 

Une évolution se laisse néanmoins percevoir au cours des dernières décennies du XVIIIe siècle, à la faveur de la diffusion en Italie d’une orientation pédagogique courante en France et consistant à apprendre la plain-chant selon une échelle heptacordale, de ut à si, ce qui dispensait des subtilités de la solmisation hexacordale. Cette approche est véhiculée par la traduction en italien de la Méthode nouvelle pour apprendre parfaitement les regles du plain-chant et de la psalmodie de François de La Feillée (1747). La page de titre de cette version publiée par le prêtre savoyard Ignazio Foglietti sous le titre de Il cantore ecclesiastico ossia metodo facile per imparare il canto fermo (1786), souligne d’ailleurs l’origine étrangère de ces “regole francesi ridotte in italiana favella“.

Sans être aussi explicite, le franciscain Francesco di Rossino opta, dans sa Grammatica melodiale (1793), en faveur du système heptacordal et pour l’emploi de la syllabe si afin d’éviter les chausse-trappes de la solmisation (figure 6). Pour une fois, la promesse d’une méthode “claire, brève, facile et raisonnée” était tenue !

Des méthodes pour chanter

La dimension théorique inhérente à l’enseignement du plain-chant n’empêche pas ses traités de prodiguer les éléments d’une véritable pédagogie vocale. Cette dernière repose surtout sur la répétition de formules mélodiques censées graver les différentes intervalles du plain-chant (seconde, tierce, quarte…) dans la mémoire des apprentis. Ces exercices servaient avant tout à appliquer les règles de solmisation : dans ce cas, les débutants prononçaient seulement de nom des notes. Ces mêmes exercices étaient ensuite utilisés comme solfèges à chanter. Le mélange des intervalles et l’insertion de sauts difficiles les convertissaient en pièces vocalement exigeantes sinon périlleuses.

La qualité vocale n’est pas négligée par certains auteurs préconisant, par exemple, de soigner le legato dans le plain-chant. Dans son traité imprimé pour la première fois en 1698 et suivi par deux autres éditions (1713 et 1733), Frezza Dalle Grotte engage ainsi les élèves à travailler le soutien des voyelles sur deux, trois puis quatres notes (figure 7).

Dans ces méthodes, la définition de la stylistique vocale propre au plain-chant ne se limite pas à une recherche de flexibilité et d’homogénéité. Plusieurs auteurs préconisent de mettre en correspondance la manière de chanter avec les affects modaux ((Marinelli, Via retta…, 1671) ou ceux attribués aux genres de chant : antienne, répons, etc. (Cizzardi, Il tutto in poco…, 1711). Citant le traité de Picitono (Fior angelico di musica, 1547), Matteo Coferati dans son propre Cantore addottrinato (1682 – figure 8) pousse plus loin la méticulosité en associant un affect particulier à chaque note du chant, quel que soit le mode.

Du plain-chant mais… pas seulement

Le plain-chant et la psalmodie ne sont pas, loin s’en faut, les seules matières abordées dans les traités italiens de canto fermo. À cet égard, ceux-ci se distinguent des méthodes françaises équivalentes, plus concentrées sur le chant monodique. L’ampleur des sujets brassés dans les traités italiens dépend d’abord de domaines directement connexes au plain-chant. Le plus évident est celui du canto fratto, même s’il apparaît explicitement assez tard dans les méthodes alors qu’il était inscrit de longue date dans les répertoires cantoraux de la péninsule. En effet, il faut attendre le Canto harmonico… de Modona (1690) pour que le canto fratto apparaisse dans une table des matières. Auparavant, la présence du canto fratto dans les traités est plus discrète, par exemple lorsque Frezza Dalle Grotte en détaille les valeurs rythmiques sans mentionner expressément cette catégorie particulière de chant (figure 9). Ce sujet est également discuté par les auteurs dispensant des conseils sur la composition de plain-chant.

Fig. 9 – Dalle Grotte, Il Cantore ecclesiastico…, 1733 (p. 37)

Le rôle de l’orgue au cours de l’office est une autre cause de diversification des sujets éclairés par ces traités. L’organiste devait savoir quand toucher son instrument en fonction, notamment, du niveau de solennité de toute circonstance liturgique. En outre, chanter l’office en alternance entre le chœur et l’orgue nécessitait de disposer de points de références pour improviser les versets (notamment les cadences concluant les interventions de l’orgue dans le ton adéquat) et de choisir une hauteur d’intonation adaptée aux chantres comme à l’orgue.

Ce dernier point était particulièrement sensible en raison de la variabilité du diapason d’une région à l’autre de l’Italie. Dans un tel contexte, certaines méthodes différencient, dans leur regola consacrée à l’orgue, le cas de l’organo romano de celui lombardo (figure 10). Les traités les plus prolixes sur l’orgue devaient assurément répondre aux besoins des communautés régulières où chantres et organiste collaboraient quotidiennement.

Fig. 10 – Dalle Grotte, Il Cantore ecclesiastico…, 1733 (p. 37)

Enfin, le chant figuré – autrement dit, la “vraie” musique – est intégré à plusieurs traités sous deux formes. Quelques méthodes sont vouées à un enseignement global de la musique associant plain-chant et musique, ce que leurs titres indiquent parfois clairement (Lanfranco, 1533 ; Aaron, 1545 ; Verrato, 1623 ; Picerli, 1630 ; Cavalliere, 1634 ; Avella, 1657 ; Bismantova, 1677 ; Bertalotti, 1698). D’autres méthodes réservées au plain-chant furent combinées à un autre volume traitant de la musique. Illuminato Aiguino fit publier en 1562 La illuminata de tutti i tuoni di canto fermo puis, en 1581, Il tesoro illuminato di tutti i tuoni di canto figurato. Autre cas de figure : Ottavio Ferraro divisa son Opera nova en deux volumes (…di canto fermo et …di canto figurato) sortis tous deux en 1620. Cependant, la relative proximité entre musique et plain-chant semble surtout caractéristique des XVIe et XVIIe siècles. Plus aucun traité après 1700 ne conjugue les deux matières, et seules des rééditions de traités du siècle précédent comprennent un chapitre ou une section évoquant la théorie proprement musicale. Parallèlement, le XVIIIe siècle est caractérisé par l’apparition d’une dénonciation de la musique d’église en style concertant, ainsi qu’il apparaît dans le traité de Santoro :

Je ne veux pas juger lequel des deux chants, celui qui est figuré ou le non-mesuré est qui le plain-chant, est le plus prisé au sein de la Sainte-Église. Toutefois je dois vous dire une seule chose : dans nos temples, le chant figuré a outrepassé les limites de l’honnêteté alors que, malheureusement, elle est passée des théâtres aux orgues dévots. On y entend les plus sacrées compositions affublée d’airs de scène au détriment des personnes dévotes, car un tel chant stimulent les sens et ne porte par le cœur à la dévotion […]9Io non voglio far giudizio qual de due canti sia in più preggio nella S. Chiesa, se il canto misurato, che è il figurato, o l’immisurato, che è il canto fermo, bensì una sola cosa vò dirne, & è, che il canto figurato a nostri tempi ha passato di soverchio i limiti dell’onestà, mentre pur troppo da teatri passa sù l’organi devoti, dove fà sentire le più sacre composizioni travestite con arie da scena con poco frutto de’ devoti, perche tal canto vellica i sensi, e non tocca il cuore alla divozione […]” ; Fabio Sebastiano Santoro, Scola di canto fermo in cui s’insegnano facilissime, e chiare regole per ben cantare, e componere, Naples, Novello de Bonis, 1715, p. 153..

Quels que soient ces jugements de valeur, les traités imprimés de canto fermo offrent, grâce à la variété des sujets qu’ils soulèvent, une voie d’accès originale à plusieurs aspects de la pratique de la musique d’église de l’époque moderne.

(X. Bisaro, janvier 2017)

Fig. 1 – Chronologie éditoriale des traités de plain-chant imprimés en Italie (XVIe-XVIIIe s.)
Fig. 2 – Disponibilité éditoriale des traités de plain-chant imprimés en Italie (XVIe-XVIIIe s.)
Fig. 3 - Rattachement religieux des auteurs
Fig. 4 – Cizzardi, Il tutto in poco, overo il segreto scoperto (1615)

Fig. 5 – Exemples de mains de Guido dans les traités italiens de plain-chant

Fig. 6 - Francesco di Rossino, Grammatica melodiale teorico-pratica..., 1793 (p. 15)
Fig. 7 - Frezza Dalle Grotte, Il Cantore ecclesiastico..., 1733 (p. 110)
Fig. 8 - Matteo Coferati, Il Cantore addottrinato..., 1682 (p. 41)

Notes   [ + ]

1. Ascensión Mazuela-Anguita, Artes de canto en el mundo ibérico renacentista, Madrid, Sociedad Española de Musicología, 2014.
2. Cette étude a été réalisée dans le cadre d'un séjour d'un mois auprès du Dipartimento dei Beni Culturali de l'Università degli Studi di Padova. Sur une thématique proposée par le Prof. Antonio Lovato, ce travail n'a pu être mené à bien que grâce à l'accueil chaleureux qu'il m'a réservé au sein de son département.
3. Cristle Collins Judd, Reading Renaissance music theory: Hearing with the eyes, New York, Cambridge University Press, 2000.
4. Alessandro Abbate, “Due autori per un testo di contrappunto di scuola napoletana: Leonardo Leo e Michele Gabellone”, Studi musicali, XXXVI/1 (2007), p. 123-159 ; Gaetano Stella, “Le Regole del contrappunto pratico di Nicola Sala: Una testimonianza sulla didattica della fuga nel Settecento napoletano”, Rivista di analisi e teoria musicale, XV/1 (2009), p. 121-143.
5. Daniela Bloem-Hubatka, The old Italian school of singing: a theoretical and practical guide, Jefferson, McFarland, 2012.
6. Elisabetta Pasquini, “L'esemplare, o sia saggio fondamentale pratico di contrappunto”: Padre Martini teorico e didatta della musica, Firenze, Leo S. Olschki, 2004.
7. Le corpus de ces méthodes est intégralement inventorié sur le site Trattati italiani di canto fermo.
8. L'Introdutione facilissima e novissima de Lusitano fut éditée trois fois entre 1553 et 1561.
9. "Io non voglio far giudizio qual de due canti sia in più preggio nella S. Chiesa, se il canto misurato, che è il figurato, o l'immisurato, che è il canto fermo, bensì una sola cosa vò dirne, & è, che il canto figurato a nostri tempi ha passato di soverchio i limiti dell'onestà, mentre pur troppo da teatri passa sù l'organi devoti, dove fà sentire le più sacre composizioni travestite con arie da scena con poco frutto de' devoti, perche tal canto vellica i sensi, e non tocca il cuore alla divozione [...]" ; Fabio Sebastiano Santoro, Scola di canto fermo in cui s'insegnano facilissime, e chiare regole per ben cantare, e componere, Naples, Novello de Bonis, 1715, p. 153.