Le livre de chœur de Mayenne (1839)
Pour citer cette page :
Xavier Bisaro, “Le livre de chœur de Mayenne (1839)”, Cantus Scholarum, <https://www.cantus-scholarum.univ-tours.fr/ressources/sources/livres-de-chant-notes/le-livre-de-choeur-de-mayenne-1839/> [publié le 26 octobre 2014], consulté le 21 novembre 2024.
Historique
Retrouvé récemment chez des particuliers, ce livre de chœur (330 mm x 495 mm) a été confectionné en 1839 par un congréganiste, Tareau (dit Frère Athanase), installé comme instituteur primaire dans la commune de Dampierre (actuellement, Dampierre-en-Yvelines, département des Yvelines). Il est dédié au curé de la paroisse de Saint-Martin à Mayenne (département de la Mayenne), Pierre Pellier (1798-1884). Celui-ci avait été nommé titulaire de cette charge en 1834 ; il le restera d’ailleurs jusqu’à son décès un demi-siècle plus tard. La paroisse étant pauvre et son église en piètre état, il est possible qu’un des premiers soucis du curé ait été de doter son lutrin de chantres d’un nouveau livre de chœur.
Technique de copie
Ce livre a été entièrement réalisé selon la technique du pochoir : après avoir réglé les feuilles de papier, le copiste applique des pochoirs qui, une fois encrés, permettent d’imprimer les caractères de lettres et de notes, ainsi que les motifs ornementaux (exemple 1). Le résultat obtenu imitait autant que possible la typographie sans en nécessiter le lourd équipement technique.
ex. 1 – Livre de chœur de Mayenne (page de titre)
La technique du pochoir est relativement peu documentée : au XVIIIe siècle, l’Encyclopédie ne la mentionne qu’à propos de la confection de cartes à jouer. Elle a pourtant donné lieu à de nombreux livres de chœur notamment en milieu monastique.
En s’adonnant à cet artisanat, l’instituteur de Dampierre complétait les revenus de son activité principale, et perpétuait la reconnaissance du maître d’école comme professionnel de l’écriture. Nombre de régents de petites écoles étaient commissionnés par les marguilliers de paroisse à la tenue des comptes moyennant une rétribution supplémentaire. D’autres assuraient des offices de greffe. Au XIXe siècle, la tenue du secrétariat municipal s’inscrit encore dans cette tradition de même que, plus discrètement, la copie de livres de chant comparables à celui-ci.
Contenu
Par certains traits, le contenu de ce livre est très lié à sa probable église de destination : s’y trouvent notamment une prose pour la Saint-Martin (patron de la paroisse dont l’abbé Pellier était le curé), et une “Messe de M. Gruau, curé de Changé-lès-Le-Mans”. Il s’agit d’un ordinaire composé, à en croire ce titre, par Louis-Berthevin Gruau (v. 1749-1824). L’abbé Gruau ayant reçu par résignation le bénéfice de sa paroisse en 1778, cette messe peut dater de la toute fin de l’Ancien Régime. Gruau ayant retrouvé sa charge à Changé-lès-Le-Mans après la signature du Concordat, elle est également susceptible d’avoir été écrite au commencement du XIXe siècle. Une datation plus précise est avancée par dom Piolin :
Ce fut aussi durant son exil en Espagne que Louis-Berthevin Gruau, curé de Changé-lez-le-Mans, composa cette messe, imprimée sous son nom dans l’Office noté du diocèse, et que nos églises ont entendue aux fêtes solennelles durant trente ans environ.
(Piolin, L’Église du Mans durant la Révolution, vol. 2, p. 31)
La copie du livre de chœur de Mayenne a été commandée à un instituteur assez éloigné du diocèse du Mans. Pour guider à distance son travail, un exemplaire de l’Office noté du diocèse du Mans (1831) a vraisemblablement été fourni au frère Athanase. Durant toute la section des messes, le livre de chœur en reproduit fidèlement les mélodies mais encore, en plusieurs endroits, leur mise en page, leur paratexte et sa ponctuation. C’est notamment le cas pour le début de la “Messe de M. Gruau” (exemples 2 et 3).
Si cette source imprimée semble avoir servi de modèle au copiste, elle ne contient aucun des faux-bourdons ou des pièces en plain-chant musical qu’il a également notés. Dans ce corpus, quelques pièces sont reconnaissables (le O Salutaris de Dugué par exemple) quand d’autres nécessiteraient des investigations plus poussées afin d’être attribuées, comme un rare Magnificat alterné à deux choeurs et un soliste (exemple 4).
ex. 4 – Magnificat dans le livre de chœur de Mayenne (p. 40)
(Xavier Bisaro, novembre 2014)
Table des matières
intitulé | commentaire | pagination |
Chant du Credo de M. Dumont a trois parties | faux-bourdon sur le Credo messe du 1er ton de Henry Dumont (1669) | p. 5-16 |
Chant de l’Ave Verum a trois parties | faux-bourdon | p. 17-19 |
Chant de l’O Salutaris a trois parties | faux-bourdon sur le O Salutaris de Dugué – 2ème strophe : Qui carne nos pascis tua… (au lieu de Unitrinoque…) | p. 20-22 |
Chant du Panis Angelicus a trois parties | faux-bourdon | p. 23-26 |
Chant de l’O Fons puritatis, a trois parties | faux-bourdon – sur l’air du Adoro te | p. 26-29 |
Prose en faux-bourdon | prose Dies Irae (incomplète) | p. 30-32 |
Chant du Stabat, a quatre parties | seulement la 1ère strophe en faux-bourdon | p. 33 |
Chant de l’O Filii a trois parties | seulement la 1ère strophe | p. 34-35 |
Magnificat en chant figuré | 5ème ton – alternance entre deux choeurs (chacun en psalmodie entièrement notée) et un soliste (en plain-chant musical) | p. 37-41 |
De Profundis en faux-bourdon | verset De Profundis pour un “premier choeur” – verset Fiant aures tuae pour un “Second choeur” | p. 42-43 |
Annuels – Messe royale de Le Clerc | messe en plain-chant (qui n’est pas la Messe royale de Dumont) – contient un Credo, le motet Adoremus in aeternum (placé après le Sanctus en remplacement du O Salutaris), et deux Domine salvum en musique | p. 45-58 |
Autre messe pour les annuels – Messe de M. Gruau, curé de Changé-lès-Le-Mans | ordinaire complet avec Credo, O Salutaris et Domine Salvum | p. 59-67 |
Solennels majeurs – Messe de Dumont/em> | messe de Dumont du 1er ton – O Salutaris composé sur l’incipit de cette messe | p. 68-75 |
Autre messe pour les Solennels majeurs du deuxième ton en A | messe anonyme – mode différent pour le O Salutaris et le Domine salvum | p. 76-83 |
Solennels mineurs – Première messe du sixième ton | p. 84-91 | |
Solennels mineurs – Seconde messe du premier ton | messe Cunctipotens – le Credo est une paraphrase de celui de la Messe du 1er ton de Dumont | p. 92-99 |
Messe pour les Doubles majeurs et des Octaves de Notre Seigneur | messe de Angelis | p. 100-107 |
Messe des dimanches du tems pascal et dans les octaves de la Sainte Vierge et des Saints | messe Fons bonitatis avec un Credo particulier | p. 108-116 |
Messe des dimanches pendant l’année. Du premier ton. | avec des sections des messes IX et XI du Liber usualis, ainsi qu’un ordinaire particulier – O Salutaris dans le ton grégorien | p. 117-125 |
Messe des dimanches de l’Avent du premier ton | seulement le Kyrie XI et un O Salutaris en plain-chant musicale | p. 126 |
Messe depuis la septuagésime jusqu’a Paques | Kyrie et Benedicamus Domino | p. 127 |
Messe des doubles mineurs et des jours pandant [sic] les octaves | Kyrie et O Salutaris | p. 128 |
Prose de Saint Martin Évêque | prose Ad commune nos vocat gaudium | p. 130-136 |
Sources et bibliographie
- travaux
Notice sur M. Pierre Pellier, chanoine honoraire, curé-archiprêtre de Saint-Martin de Mayenne, Laval, Imprimerie-Librairie Chailland, 1884 (consultable ici).
Office noté pour les dimanches et fêtes du diocèse du Mans, Le Mans, Chez Monnoyer, 1831, 2 vol. (partie d’été consultable ici).
Boullier, Isidore, Mémoires ecclésiastiques concernant la ville de Laval et ses environs, diocèse du Mans, pendant la Révolution de 1789 à 1802, Laval, Godbert, 1846 (consultable ici).
François, Claude-Laurent, “Les écritures réalisées au pochoir”, Histoire de l’écriture typographique, de Gutenberg à nos jours, volume II.1 “Le XVIIIe siècle”, Gap, Atelier Perrousseaux, 2011, p. 48-77.
Gottron, Adam, “Beiträge zur Geschichte der kirchenmusikalischen Schalbonendrücke in Mainz”, Gutenberg-Jahrbuch, 1938, p. 187-93. Kindel, Eric, “A reconstruction of stencilling based on the description by Gilles Filleau des Billettes” et “The description of stencilling by Gilles Filleau des Billettes: transcription and translation”, Typography papers 9, Londres, Hyphen Press, 2013, p. 28-65 et 66-86.
Kindel, Eric, “Recollecting Stencil Letters”, Typography Papers 5, Londres, Hyphen Press, 2003, p. 65-101.
O’Meara, Eva Judd, “Notes on Stencilled Choir-Books”, Gutenberg-Jahrbuch, 1933, p. 169-85.
Piolin, Paul, L’Église du Mans durant la Révolution, vol. 2, Le Mans, Leguicheux-Gallienne, 1868 (consultable ici).
Piolin, Paul, Histoire de l’Église du Mans, vol. 6, Paris, H. Vrayet de Surcy, 1863 (consultable ici).
- ressources électroniques
Présentation d’une exposition sur la technique du pochoir conçue par Eric Kindel et Fred Smeijers.
Approche de la copie au pochoir au travers de l’étude d’un livre de plain-chant particulier.
Présentation et enregistrement de la Messe de l’abbé Gruau contenue dans ce manuscrit.